Who are you David Barrette ? Un avis sur La double vie de Pete Townshend
- gregoryvautrin
- 11 août 2017
- 5 min de lecture

Le premier roman Christophe Sainzelle, publié aux éditons Territoires Témoins, est à la croisée de bien des mondes. Dès les premières minutes de lecture, immédiatement me viennent des images et des sons, venus du tréfonds de mon inconsciente culture relative et absolue en tout et rien. Aussi pense-je à Allô maman ici bébé dès que David Barrette, le héros, alors fœtus, narre sur un ton que l’on pourrait entendre directement sorti de la bouche de Woody Allen, son combat à mort contre sa mère maniant avec pugnacité une aiguille à tricoter.
David esquivant les assauts, tel un Zorro pas encore né, plonge immédiatement dans le grand bain de sa vie.
Et que ne ferions nous pas pour échapper à un quotidien aussi anxiogène bourré de ploucs qui démarre ainsi ? N’est-il pas logique de tomber dans la « folie », de vouloir tout brûler par les deux bouts, parents comme idoles ?
Puis s’ensuit l’ « extravagante » aventure de David - en mode La vie rêvée de Walter Mitty version livre.
Telles sont donc les premières illustrations que j’appose délicatement sur les mots parfois terriblement durs de La double vie de Pete Townshend.
Lire La double vie de Pete Townshend est un pur kiff. Je sais c’est subjectif, en rien académique, en rien un avis construit. Juste un ressenti, une émotion. Mais n’est-ce pas ce que nous cherchons tous à percevoir en lisant ? Car a l’instar de David Barrette croyant dur comme fer à sa fable, la lecture est source d’imagination, d’évasion, de rire, de joie et de peine. Ça tombe bien, j’ai dans la main tous ces effets. Oui La double vie de Pete Townshend est un livre spécial.
L’écriture de Christophe est fraîche mais en rien naïve, je pense, par exemple, à la séquence du premier l’électrophone qui est purement jouissive. Mais où donc, l’auteur a-t-il péché son histoire ? Est-ce autobiographique ? Le pitch lui est-il parvenu dans un rayon cosmique vert (oui j’aime bien cette couleur moi). Quel est le déclic d’un gosse vit à travers la carrière et les disques du groupe anglais les WHO ??? Après avoir lu La double vie de Pete Townshend vous voudrez, sans doute comme moi en savoir plus et partir à la pêche aux informations sur un salon du livre ou lors d’une dédicace !
Christophe, in fine, nous pose une question : Que devons nous faire pour que le Sunrise se lève dans nos vies ?
Quatrième de couverture : Même s’il est difficile de faire parler sa mère, la plupart du temps abonnée aux barbituriques, David Barrette est certain d’être le fils caché de Pete Townshend, le guitariste des Who. Il sait tout faire comme Pete. Qu’importe s’il a plutôt l’air d’un cosmonaute que d’une rock star avec le blouson argenté que lui a acheté son père, l’officiel, bientôt il ira rejoindre le «vrai» en Angleterre. En attendant, Erika Kaukonen, la plus belle fille de la classe a flashé sur lui.
La vie de Château-Thierry ne convient pas à tout le monde, et ça David Barrette – personne central du livre- en sait quelque chose. D’autant plus quand votre père est absent ascendant ignorant et votre mère suicidaire, toxicomane à tendance autoritaire à faire pâlir Kim Jong-un.
Oui Christophe Sainzelle en bon sparnacien, à la Gérald Butler, nous l’annonce haut et fort, le livre tabasse et on ne l’a fait pas à un sparnacien (ou presque). Je ne vois pas d’autre explication.
Bref, David est convaincu d’être comme les doigts de la main avec Pete Townshend, tel un Raider uni pour le meilleur et pour le pire.
https://www.youtube.com/watch?v=WAkHfKUuTyE
David s’exfiltre de sa vie, sans Valium, Temesta ou Tranxène, lui reçoit un message d’un rayon rouge cosmique, lui assurant que Pete Townshend est son père biologique.
Dès lors, il se voit déjà en haut de l’affiche, se projetant dans le futur, père et fils, bras dessus bras dessous, grattant la même Gibson EDS 1275 ! Bref comme le disent les philosophes d’Ottawan, tout est ok, bat et in !
Enfin tout est zen dans cette vie fantasmée, parce que dans sa « réalité » ça craint. Vie de plouc, vêtements de ploucs, parents ploucs …
Etonnant par exemple que la page 98 évoque une coupe du monde, et le faux-départ de sa mère. Les mots sont durs, les idées fortes, les images choquent. Quelques pages tournées, et l’auteur enchaine, ne nous laissant presque aucun répit, aucun repos. Juste après, donc, la page 101 n’évoque en aucun cas un dalmatien, mais regorge encore d’une pépite sur la routine, sur la vie et les choix que l’on y fait. Laissant le lecteur groggy dans les cordes, spectateur du combat que David mène avec son monde.
Je le redis je l’assène et je l’assume, La double vie de Pete Townshend est « livre pour l'été » (mais qui peut s’offrir pour Noël). Comprenez simplement qu’il est rapide à lire (198 pages). Que la couverture colorée pétillante, un zeste acidulée, est à l’image du contenu. Le fond et la forme. Une règle de base. Du reste, le roman est frais et drôle sans pour autant être dénué de profondeur et de justesse.
Plus je lis, plus je suis perdu. Christophe nous emmène dans un délire qui évolue, qui progresse, qui grandit à l’image du narrateur. Qui dit vrai ? Qui dit faux ? Qui est paranoïaque ? Qui fantasme une vie alternative dans un flot continu d’incompréhension ?
Au fil de la lecture, arrivé p167, on ne sait plus qui enjolive ou qui modifie quoi. David est-il le fils de Pete ? Le fils de ses parents ? Le frère de sa sœur ? Ses parents sont-ils réellement des monstres incultes ploucs et dangereux ?
Bernard Werber dans L’encyclopédie du savoir relatif et absolu énoncé cette pensée : « Entre Ce que je pense, Ce que je veux dire, Ce que je crois dire, Ce que je dis, Ce que vous avez envie d'entendre, Ce que vous entendez, Ce que vous comprenez... il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même... »
Il en va de même pour ce qui se passe dedans la tête de David. Cet enfant paumé qui grandit, qui se construit. Un gamin bancal, rejeté, imparfait juste en quête de lui même et peut-être bien d’un peu d’amour. Un héros occultant même le personnage principal de son cœur pour s’arrimer à des fantasmes. Il se détache par tous les moyens d’une vie qui pourtant lui colle à la peau, comme un blouson gris brillant. Décalé dans un quotidien favorisant ceux qui rentrent dans des cases.
Christophe Sainzelle nous donne le soleil de minuit dans les rêves de David Barrette et montre la lune en plein midi dans la réalité. Quand le passé devient plus incertain que le futur, le lecteur se pose milles questions. Mais tout n'est qu'une illusion, car tout est faux tout est fiction dans le roman La double vie de Pete Townshend… ou pas.
Grégory Vautrin. Le lien est là : https://www.facebook.com/notes/jesuismy-grand-est/who-are-you-david-barrette-un-avis-sur-la-double-vie-de-pete-townshend/1663915750316181/
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