Koga représente le réalisme graphique
- Gregory VAUTRIN - publié pour Mylorraine.fr
- 13 févr. 2017
- 4 min de lecture

Koga n’est pas l’acronyme de Chaos Graphic & Artistic et pourtant il met K.O les spectateurs par ses peintures aux graphismes réalistes. Artiste français vivant en Lorraine, membre du collectif Moulin Crew que vous avez pu croiser sur le projet HOME, Koga est un spécialiste du portrait réaliste où s’ajoute des superpositions, des déformations, mélangeant également des textures et des styles pour créer des portraits uniques et graphiques. Suffisamment humble pour ne pas dire qu’il a inventé un genre mais les tableaux étirés ou ses portraits mouvance réalisme graphique ne s’apparentent à rien de connu.
Il n’est pas rare, en observant une peinture, de dire qu’on a été éblouit par un artiste.
Koga alias Matthieu fait partie de ceux qui travaillent brillamment la lumière et les couleurs comme d’autres jouent avec les mots ou encre la peau.
S’il éclaire ses toiles avec des regards hypnotiques et perçants, le temps est venu de mettre un coup de projecteur, sur son travail et sur l’homme qui se cache derrière ces oeuvres.
Koga est la face visible de l’iceberg nommé Matthieu. Il signe ses œuvres, qu’elles soient graffitis ou peintures, ainsi, non pas avec un sens caché, mais bien parce que le graphisme des lettres K.O.G.A lui plaît. Le choix de ce pseudonyme, uniquement à caractère graphique et esthétique (et pas symbolique) est en soi porteur de sens.
Les œuvres de Koga oscillent entre réalisme graphique et folie douce. Ses visages se découpent, se décomposent, se fragmentent comme s’ils avaient été mal capturés par un vieil appareil photo argentique dont le stigmomètre (ou télémètre) aurait été mal réglé.
A la manière d’un DJ qui sample les sons, puise dans des boucles pour composer de nouvelles chansons, il dépouille différents clichés photographiques pour esquisser une nouveauté qu’il traduit après en peinture.
Koga interroge sur notre propre perception de la réalité, sur le ressenti de nos sens. Ses portraits troublants et troublés méritent qu’on s’attarde sur cet artiste qui défie les lois de la réalité picturale à la « Inception ». Lecteurs, munissez–vous de votre toupie quand vous observez les tableaux de Koga, histoire de conserver un référent dans la réalité !
Faire le point avec Koga n’est pas chose aisée, peu à l’aise avec les médias le jeune homme de 31 ans est aussi insaisissable que sympathique.
On le comprend, il faut dire que votre serviteur est aussi impressionnant que le Grand Inquisiteur de France. Du coup, après moultes brimades, tortures et sévices psychologiques voici ce que le martyre Koga nous révèle.
« Historiquement je viens du graffiti. J’ai commencé à vingt ans. La part de l’interdit est séduisante, mais je ne me considère pas pour autant un vandale. Donc je me suis ramené l’art à la maison avec la peinture. Après sur mur (légal) j’adore le travail de grosse pièce par rapport à une toile sur pinceau ou je chipote pour faire 10 cm 2 ».
Assimilable aux photographies de Steve Mccury, je continue gentiment mon interrogatoire sur ses inspirations. Car si les portraits déformés de Koga, ne servent pas à montrer ou illustrer un contexte géopolitique, ils intriguent cependant le public. Ces visages perturbent l’observateur avec ces effets de décalages et de déformations qui reflètent, consciemment ou non, une certaine vision de la société.
« C’est très dur de répondre à cela. Je ne cherche pas à peindre une histoire ou décrire quelque chose d’autre qu’un regard, une lumière. Je pars de ma photothèque, je fais des assemblages photoshopés, histoire de savoir où je vais, comme base de travail. Puis je peins. C’est d’abord une recherche picturale, esthétique, bien que je fasse des portraits, je centre mon travail en priorité sur la peinture. Ainsi le tableau de la veille femme est né d’une volonté du travail de la matière et non du sujet.
En priorité mes inspirations viennent du visage humain, de la lumière, des blancs. J’aime le réalisme et l’impressionnisme d’époque comme le faisaient Gustave Courbet, Jean-François Millet ou Auguste Renoir avec son travail des blancs purs par exemple. »
Mais comment et pourquoi as-tu commencé à modifier les visages ?
« C’est une démarche qui remonte déjà à quelques années. J’ai débuté en ajoutant des yeux. J’ai dupliqué les yeux pour attirer l’attention, le regard. J’aime créer la confusion et le trouble graphique. Je ne souhaite pas refaire une photo, j’ai envie de créer mon truc. »
Et actuellement, tu travailles sur quoi ?
« Je cherche un peu de neuf qui déforme. Des effets de dot, coulants ou glissés. Je ne veux pas devenir le mec qui découpe les visages. »
Aparté : Messieurs de la police nationale, merci de prendre note de cette information qui nous rassure tous. Si on peut éviter un nouveau tueur en série psychopathe qui découpe les visages, ça nous arrange …
« En fait je cherche à aller plus loin que la photo, à faire bugger le cerveau. » Petit conseil Koga, tente de creuser au niveau téléréalité avec les marseillais en Afrique du Sud par exemple. Peu de cerveaux, mais déjà bien bien buggés …
Avec ses déformations graphiques, Koga se défend d’y mettre une intention autre que l’esthétique pure. Cependant, Oscar Wilde dans le portrait de Dorian Gray lui aurait rétorqué que « tout portrait qu’on peint avec âme est un portrait non du modèle, mais de l’artiste. » A vous de chercher à comprendre ce qui se cache derrières les peintures de celui qui s’ennuie s’il ne déforme pas, de celui qui offre à voir à travers le prisme de sa créativité.
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