Première règle du Handi-Gang : parlons de Handi-Gang
- gregoryvautrin
- 26 juil. 2017
- 4 min de lecture
Avec Handi-Gang, Cara Zina en dit long sur le handicap ! Handi-Gang rend accessible l’inaccessible pour des imbéciles valides : la découverte d’un monde inconnu, celui des handicapés.
Quatrième de couverture : « Depuis toujours on nous méprise, on nous ignore : le monde appartient aux valides. Il va falloir désormais compter avec nous. Nous que vous ignorez, que vous contournez et évitez de regarder. Nous, handicapés polymorphes, autistes, sourds, aveugles, IMC ou à mobilité réduite, nous voulons plus de représentations dans les médias, le corps médical, la fonction publique et au gouvernement. Nous exigeons plus de considération et plus d'aménagements. Nous sommes une force vive et il ne faudrait pas l'oublier, sinon on pourrait bien tout faire péter !" Premier communiqué de l'Handi-Gang. »
Handi-Gang est un livre politiquement incorrect, tendrement social, en rien socialement tendre, en rien vindicatif mais en tout revendicatif. Un livre qui nous fait voir la vie en ville, du haut d’un fauteuil roulant. C’est juste le genre de bouquin, extrêmement bon à lire et qui ne donne pas envie de rallier la cause des handicapés, tout simplement parce qu’il ne devrait pas y avoir de cause ou de différence entre êtres humains. Tout le monde devrait pouvoir prendre l’ascenseur, le train, l’avion, travailler, étudier … sans galérer.
En revanche il donne envie simplement de partir à leurs rencontres, d’appréhender ce qui visiblement pour un valide est un autre monde et de se bouger un peu le uc pour que les choses évoluent sans que ça prenne des plombes, pour enfin payer le prix de la vraie paix sociale. Bref de cesser de vivre dans un monde 100% pensé pour les valides sans qu’un gang eusse à se constituer pour que la peur change de côté.
Ce roman traite d’un sujet grave sur un ton qui ne se prend pas au sérieux, sans s’apitoyer, en mode sans filtre et franchement y’a pas besoin d’ajouter quoi que ça soit pour l’apprécier !
L’écriture n’est ni ampoulée, ni lourde, en rien aseptisée. L’auteure ne prend pas de gant. En cela, ça me rappelle le livre d’Henri Loevenbruck : Nous rêvions juste de liberté.
Cara Zina est presque une auteure pamphlétaire dans le sens où elle conteste et dénonce - sans jamais être caricaturale - le manque évident de prise en considération des besoins des personnes handicapées. C’est un pamphlet d’un genre nouveau, de 278 pages, où il s'agit autant de s'amuser d'une situation dramatique perdue dans un système/société quasi inhumain(e).
Je ne connais pas Cara Zina, je l’ai appelé une fois, une brève conversation téléphonique. Le temps de faire connaissance, de parler homonymie. Tout ce que je peux dire c’est que j’ai hâte de la rencontrer, de la questionner, de comprendre et de vous le partager. Mais déjà son second livre, paru aux éditions Libertalia, Handi-Gang donne des pistes (tout comme son premier Heureux les simples d’esprit j’imagine).
Force est de constater après lecture que cette fiction est nourrie de frustrations, d’une douce amertume. Je ne connais pas son quotidien mais elle connaît parfaitement la problématique et l’expose dans – ô mon dieu que ça fait du bien – dans une langue, un ton, un rythme et surtout un humour qui ne sont pas habituels et qui chatouillent agréablement nos mirettes, triturent avec doigté notre bulbe !
Sam, celui qui ne boit pas car sur roulette, est l’anti héros de cette fable moderne rédigée sur cellulose. Derrière, il y a Djenna aka Dédé alias une Wonder Mum maman héroïque. Anto qui excuse tout et ne juge jamais, Betty l’amie qui n’écoute pas jusqu’à la fin. Puis suivent, pèle mêle, Rodrigue éduqué en mode « No Pain, no gain » aurait dû chercher son animal porteur de force plutôt que la violence.
Puis Kevin, Emma, Camille, Nina, Paul, Joanes ou Isaac, autant de personnages, sans pourtant nous perdre. L’écriture est fluide, on descend une rivière comme Incubus dans Aqueous Transmission.
De la page 46 à la 272, je n’ai franchement pas lâché le livre ni des mains ni des yeux. Bel exploit donc que de monopoliser l’attention sur les aventures d’un gang d’handicapés révoltés sur 226 pages. Cara Zina arrive à éveiller les consciences sur cette problématique, et enrobe le tout avec des romances, de l’action, de l’humour plus ou moins noir, et des histoires d’amitiés.
Page 117, « Nous ne sommes rien, soyons tout » sonne à la Fight Club mais où la première règle du Handi-Gang serait : si on peut pas faire peur, on peut faire mal …
Le livre met en scène le handicap au sens large et très loin d’Intouchable où le héros roule en Maserati Quattroporte V ! Là on est dans le vrai, dans le dur. Autistes, muets, myopathes, en fauteuil, aveugles … Ils sont là, et tels les fées ils existent !
Cara Zina évoque les moqueries, l’indifférence, les malveillances, les épreuves du quotidien ou les conneries irréfléchies comme ce qu’on appelle dans le milieu « faire une Feldman » avec son « Tout le monde debout » !

Enfin la page 278, lapidaire sans être expéditive claque comme le fouet d’Indiana Jones ou comme la main ferme de ma maman sur mes roses fesses quand j’avais fait une bêtise (le premier n’est pas sans rappeler le second d’ailleurs).
Et malheureusement, la dernière ligne, Cara je te l’annonce : on peut dire que dans un monde où le CICE reste et on retire des APL, où Hanouna est le meilleur animateur de France, où la TV réalité subjugue les jeunes, où le nivellement par les bas est constant … La révolution n’est pas prête d’arriver je le crains …
Il y a des choses qu’on déclare rarement à un(e) auteur(e), Cara Zina, je ne te connais pas, je ne connais de toi que ce que tu me livres dans ton roman mais d’instinct je t’apprécie. D’autant que tu remercies Philippe Jaenada #bonussurlepompon. Alors, Cara, merci pour ce livre !
Enfin pour conclure, boucler la boucle, et renouer avec Fight Club, je conseille de lire Handi-Gang sur les Pixies – Where is my mind ? Où est mon esprit ? Telle une statue grec, nous (les valides) restons de marbre. Dans notre société, il y a un immobilisme certain en ce qui concerne les personnes handicapées en mal de mobilité. Quelles réponses apporter quant tout le système est inadapté ? Handi-Gang propose des actions directes qui ne doivent pas rester secrètes !
Gregory Vautrin lien : https://www.facebook.com/notes/jesuismygrandest/1%C3%A8re-r%C3%A8gle-du-handi-gang-parlons-de-handi-gang/1645806852127071/
Comments