Ultimo bacio pour Délices d’amour amers
- Grégory Vautrin pour Mylorraine.fr
- 14 mars 2017
- 5 min de lecture


Le roman Délices d’amour amers s’ouvre par l’index des personnages, tel le lever de rideau rouge en velours quittant le parquet ciré d’une scène, où vont se côtoyer mille intrigues et autant de rebondissements. Et en guise de brigadier, un triptyque imbattable : un homme, sa femme et ses maitresses.
Délices d’amour amers est comme un tableau de famille. Cette comédie dramatique se déroule en Lorraine, mais ça aurait tout aussi bien pu se passer à Ostiense, l’un des quartiers les plus caractéristiques de Rome. Car pour cette comédie dramatique aux accents siciliens il fallait un quartier vivant, chaleureux et intime.
L’histoire s’ouvre sur un drame, un corps est découvert. Tout le livre s’attache a retracer le parcours de cet homme : René-Igor Klupek. Tel un flash back, Rachel Valentin raconte les péripéties d’un goujat, ascendant pervers narcissique, fidèle à ses infidélités.
René-Igor Klupek (malgré le lourd handicap de son nom) est le beau gosse, le Ken, le blond, buriné comme Robert Redford, avec un zeste de Richard Gere croisé avec Robert Downey Jr. En tout cas, c’est comme ça que je le perçois.
Etonnamment après quelques lignes lues, je me suis imaginé la lecture faite dans le style narration André Dussollier, tel le sublime conteur du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain.
Tout y est, tout sonne juste. Sobrement jouissif et simplement volubile, Délices d’amour amers alterne entre phrases longues aux digressions récréatives égalant les phrases courtes percutantes et directes. Et ce sans compter les savants aphorismes et autres métaphores, abreuvant le lecteur ravi, qui est amusé de voir si bien évoluer tous ces personnages sous son nez. Mention spéciale à Clotilde, vosgienne auto proclamée mi femme ; mi-sapin !
Or donc, RIK est RIP. Et tout l’intérêt du livre ne réside pas tant dans l’élucidation du crime, comme on peut le voir dans les polars ou tout bon Columbo que celui du cheminement. Ce qui nous intéresse (remercions ici la maestria de Rachel Valentin) n’est pas tant le Qui que les Pourquoi et Comment. Rachel y décrit très bien le pervers narcissique macho et culpabilisant, tour à tour charmeur et salaud selon qui l’accompagne. Bridant sa femme, alors que lui, de son côté, bien tranquillement, s’adonne à l’adultère. Mais ces femmes là ne sont pas des caves, elles se rebiffent !
Attention ami lecteur, tout n’est pas si simple, si manichéen. Bien des choses se cachent sous le capot de la Topolino Délices d’amour amers. Ce petit bolide de livre de 240 pages se lit d’un trait. Comme un shot de mirabelle 1974. Ce n’est pas un roman Arlequin, à l’eau de rose éventée, mais plutôt un néoréalisme rose qui porte un regard sur notre société, les relations hommes / femmes avec ses défauts supposés, excès, abus. Le rendu est noir, humoristique, souvent ironique et dramatique mais avec une fin moins pessimiste qu’il n’y parait.
Qu’est-qui amène RIK vers cette destination finale ? Quel est l’ensemble du parcours ? Comment il se complait dans le je t’aime moi non plus. Sa vie, son œuvre si l’on peut résumer ainsi. Mais aussi celle de Blandine, épouse trop longtemps endormie, endoctrinée et assujettie. De sa fille surdiplômée Véra, ou évidemment de ses maitresses, trop nombreuses pour toutes les énumérer.
Bien que clairement revendiqué du cinéma italien, il y a – à mon goût - quelque chose de Woody Allen dans Délices d’amour amers. L’écriture est incisive, touchante, drôle et furieusement moderne comme le sont également les séries américaines. Si bien que l’on oscille, au fur et à mesure que le lecteur tourne les pages, entre Sex and the City, Desperate Housewives, Mad Men ou Californication.
L’habile auteure réussit même un tour de force en glissant adroitement, ci et là, quelques recettes de cuisine bien senties, et de sérieux mobiles bien motivés. Bref les histoires d’A de Rachel Valentin, se lisent sur le même tempo que la chanson des Rita Mitsouko.
En plus, petit bonus perso et coup de cœur égoïste, moi qui pensait être le dernier des mohicans à employer « je ne peux pas le piffer » … je me sens moins seul, merci Rachel.
Rachel Valentin prouve avec brio, qu’une « pauvre crétine » peut avoir plus d’impact qu’une balle en pleine tête, qu’une pluie à Bruges peut être bien plus glacée qu’une douche écossaise, qu’une belle assistante peut parfois couper le souffle à plus d’un titre.
Enfin, on ne s’étonnera pas de l’importance de Racine, dans Délices d’amour amers lorsque l’on cite brillamment Phèdre, et surtout lorsque qu’un personnage se nomme Jean-Claude.
Ce qui arrive à René-Igor, d’aucun appellerait ça l’effet boomerang, le double effet kiss cool ou encore la justice divine. Ici, il faut surtout saluer l’imagination de l’auteure.
Elle décrit merveilleusement bien les maux de Blandine Klupek, femme légitime d’un mari volage et comment celle-ci réagit.
La journaliste, ex-localière de Nancy, en profite pour y placer autant de détails 100% terroir qui permettent d’une part de crédibiliser totalement l’intrigue, de donner du corps et de la cuisse mais aussi un large sourire aux lecteurs lorrains.
J’aime à penser que lire un livre, c’est aussi discuter avec son auteur. Acte conscient ou non, je fais partie de ceux qui pensent qu’un peu de la personnalité de l’écrivain se retrouve dans un ou plusieurs personnages. Et (et encore une fois c’est tout personnel), je me suis gargarisé de ce roman vif, drôle, dramatique (mais tendrement), érotique (mais gentiment). J’ai lu (que dis-je dévoré) une tranche de vie dont on reprendrait volontiers une part !
Enfin, petit flash-back. Commencez la lecture d’un roman, se fait souvent maintenant par une autre lecture. Celle d’une citation que l’auteur veut nous faire lire. Envie de découverte, de partage, et/ou pour faire écho à sa propre ambiance. Peu importe en vérité le motif, ici Rachel Valentin place une citation d’Ettore Scola issue d’Affreux, sales et méchants.
Et bien sincèrement je vous invite non seulement à lire Délices d’amour amers de Rachel Valentin mais aussi (surtout) à discuter de vives voix avec elle sur le Livre sur la Place 2016 ! Ne serait-ce que pour lui demander pourquoi.
Quatrième de couverture :
Le problème de René-Igor Klupek, 45 ans, directeur des ventes de la SA Floribo et Fils, c’est les femmes. Le trop plein de femmes. L’homme séduit comme il respire. Il trompe comme il respire. Il abandonne aussi comme il respire. Ses amoureuses subissent, jusqu’à un certain point.
Pour le moment, René-Igor gît tassé au fond de son fauteuil directorial. Et pas sûr qu’il respire encore.
« Délices d’amour amers » est une comédie à l’italienne avec tous les ingrédients : épouse crédule, mari cocu, amante délaissée, maîtresse jalouse. Les femmes y sont bafouées parfois humiliées mais finalement libérées. C’est qu’elles ont de la ressource et savent se soutenir. Au besoin avec de délicieux petits plats
Après plusieurs biographies, Rachel Valentin, journaliste ex-localière à Nancy, livre ici un premier roman bourré d’humour, de recettes et de fantaisie.
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