La plume de Gilles Laporte est la langue de l’âme
- Grégory Vautrin publié pour Mylorraine.fr
- 14 févr. 2017
- 4 min de lecture

Né en 1945, Gilles Laporte, est un auteur qu’on ne présente plus. Il n’a d’empreinté aux autres, que les faux airs d’un Jean Ferrat, la pilosité de Georges Moustaki ou la malice d’un Jean Rochefort. Pour le reste, tout est à lui et bien à lui. Sa plume est bien la sienne. Un savoir écrire et raconter qu’il utilise encore avec brio dans son livre l’étendard et la rose.
Cervantès écrivait La plume est l’interprète de l’âme : ce que l’une pense, l’autre l’exprime. Et cela Gilles l’a parfaitement assimilé.
Notre auteur vosgien publie donc son nouveau roman : l’étendard et la rose, et pas l’étang d’arc et l’art ose ou encore moins Les Tendard et Ella Rose qui ne voudrait rien dire. Celui qui a découvert la passion de l’écriture avec Don Quichotte de Miguel de Cervantès trouve des titres bien plus poétique, et il a le don de chuchoter encore une fois, à nos oreilles, une formidable histoire. Récit que nous suivons, à voix basse, ligne après ligne, comme un film. Celui de Louis qui tente de soigner ses blessures d’enfance pour se forger un avenir.
Du haut de ces 70 ans, l’ancien président du prix littéraire Erckmann-Chatrian écrit un livre sur l’itinéraire d'un orphelin pas très gâté, meurtri après la guerre et obsédé par le secret de ses origines, allemandes ou américaines...
Les différentes citations qui ouvrent le livre donne le ton. Un la qui résonne au plus profond de tout à chacun. Mettant en exergue des peurs, et des blessures comme le racontait Richard Rogner dans les méandres des saisons : « on ne vit pas neuf mois dans le corps d’une mère, sans qu’au moment de sa mort, ne surgisse de soi, le douloureux écho du cri de la naissance ».
Je mets au défi quiconque de ne pas ressentir l’intense émotion qui se dégage en fin de lecture ... Résultat de l’habile travail de Gilles à nous faire adhérer – dès les premières lignes - à son histoire, aux personnages, aux situations, qui attache plus de prix à un humble vertueux qu'un riche orgueilleux.
Le lecteur ressent obligatoirement – s’il est humain évidemment– sa gorge se nouer lorsque Gilles fait dire à l’un de ses protagoniste « Pars quand tu veux, reviens quand tu pourras. Je t’attendrai. », la fin de la lettre d’Alix : « que ta plume invite l’autre, tous les autres à la vraie vie » ou encore lorsqu’arrive la dédicace à l’oncle Victor... Il y aurait tant de passage à citer qu’un seul conseille prévaut : lisez le livre en entier.
Qu’on se le dise, Gilles Laporte est de ces auteurs qui vous font profondément aimer la lecture !
En quelques mots, bribes de lignes et peu de chapitre, le lecteur est plongé dans une histoire prenante et émouvante mettant en exergue un mystère généalogique dans un contexte historique et social parfaitement décrit. Le tout baigne dans des émotions quasi universelles, que l’on ait connu la Guerre ou non ce n’est pas le propos.
En effet, bien que l’action se déroule entre les années 50 à 80, l’histoire fait écho à ce que nous pouvons vivre maintenant, aux sentiments connus de tous, mais que nous avons parfois du mal à absorber et dont Gilles sait trouver les mots pour les raconter.
Mais qui y’a-t-il dans cet ouvrage dédié à Delphine Renard, Daniel Fery, Jean d’Ormesson et Henri Vincenot ?
Concrètement, on y trouve des hérédiens, des croix de Lorraine par lesquelles le soleil passe, la verrerie de Gironcourt, des décès, la vie du rail, des amours, la récolte des mirabelles : des tranches de vie.
L’étendard et la rose nous donne rendez-vous avec un Paul luthier de Mirecourt, une mamy Mathilde, un papy Clément, une clé aux âmes, la femme de la Brême, un stylo allemand, une Rose-Victoire, un Jean le cheminot, l’Angèle, une lumineuse Lucie, une violoniste nommée Nouchka, une Chris ange blanc au milieu d’enfants africains, un Victor Delhuis de Saint-Prancher et puis un Louis.
Le Louis, comme on se plait à dire en Lorraine. Coluche aurait commencé par « c’est l’histoire d’un mec », mais Louis n’est pas le seul pont, l’unique héros autour de qui tout gravite dans cette histoire -préquelle aux ouvrages de Laporte. Il y a aussi (et surtout) toutes ces femmes auprès de qui Louis s’écrit.
En 404 pages, l’auteur invité des imaginales 2015 dépeint trois décennies de la vie de Louis Delhuis. Le roman l’étendard et la rose raconte la trajectoire d'un jeune orphelin obsédé par le secret de ses origines – « fils de Boche ou d'Amerlock ? » that is the question.
Mais Louis est aussi hanté par son désir de devenir écrivain – était-ce aussi le questionnement de Gilles ? Il est parfois troublant de se demander ou s’arrête la fiction et ou commence la réalité. Entre Fiction ou biographie, celui qui ne connaît pas personnellement Gilles peut se poser la question.
Suite, sans en être vraiment une, de la saga lorraine des « Delhuis » après Des fleurs à l'encre violette et La clé aux âmes, Gilles raconte la vie passionnément romanesque de Louis Delhuis, petit-fils d'instituteurs vosgiens. Quel savoureux plaisir auront les lorrains en lisant ce livre truffé de référence locale pour qui connaît et apprécie sa Région.
L’histoire navigue des 1950 à 1980, et nous fait vivre l’évolution et la construction d’un homme à la recherche de ses racines, ses interrogations et convictions politique, ses passions : quelles fussent amoureuse ou littéraire et bien entendu ses amitiés : ces rencontres qui forgent le caractère et façonnent un intellect.
Si je devais associer une couleur au livre, j’évoquerai le rouge : rouge de la colère, de la révolte, de l’engagement ouvrier, mais aussi du sang de la guerre – ce tribu lourd à porter. Sans oublier le rouge de la passion, de l’amour fou et des baisers langoureux.
En effet, la quatrième de couverture l’annonce sans détour : « Entre le coeur et la raison, l'amour des femmes et celui des idées, l'engagement et les désillusions, Louis se tisse un destin au fil des décennies tourbillonnantes de la seconde moitié du xxe siècle. »
Ouvrez un Laporte, il s’y cache de la lumière. L’étendard et la rose ne fait pas exception, il est à mettre entre toutes les mains, fussent-elles grandes ou petites. En effet, voilà un extrait du poème de Victor Hugo (que l’on retrouve dans le livre) « chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne. »
Comments